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« Croc’Moustique » ou quand la mémoire devient poésie

  • Cathy Roggen-Crausaz
  • 4 déc.
  • 4 min de lecture

Entre La Course autour du Monde, la naissance inattendue d’un poème inspiré par le souvenir d'un moustique et le coup de cœur pour l’univers délicieusement espiègle de l’illustratrice Lucie Fiore, Dominique de Rivaz dévoile les coulisses d’un livre qui réunit mémoire, poésie et nature.


«Dominiquederivazquiafaitlacourseautourdumonde», qui est aussi l'auteure de Croc'Moustique.
«Dominiquederivazquiafaitlacourseautourdumonde», qui est aussi l'auteure de Croc'Moustique.

Qui êtes-vous, Dominique de Rivaz ?

Dominique de Rivaz :Pour ceux qui se souviennent des années 1978-79 et des émissions de la Télévision Suisse Romande, je suis «dominiquederivazquiafaitlacourseautourdumonde».Valaisanne (sédunoise), née à Zurich, j’ai grandi à Berne et étudié les Lettres à l’Université de Fribourg. J’ai été, tour à tour, réalisatrice, photographe et auteure.


Où vivez-vous aujourd’hui ?

Ma vie se partage entre Berne et Berlin, où résident Jean-Pierre, mon mari, son fils Julien et ses petits-enfants. J’ai été intronisée « Oma ». Je transmets des rudiments de français… et les pas de danse de Savez-vous planter les choux.


Quels moments forts ont façonné votre parcours professionnel ?

En 1978, à quelques mois de mes examens finaux à l’université, j’ai été sélectionnée pour participer à l’émission francophone La Course autour du Monde. Ce voyage en solitaire — non pas en voilier, comme beaucoup le croient ! — autour de la planète a été fondateur pour la suite de ma carrière.


En quoi cette aventure a-t-elle influencé votre regard et votre trajectoire ?

L’inimaginable notoriété qui s’est abattue sur les huit candidats sélectionnés (pour la Suisse : Gérard Crittin et moi), ainsi que sur les quatre chaînes de télévision partenaires, fut une première. Il faut rappeler que nous tournions avec de la pellicule et des caméras Super-8 ; le montage se faisait à la main : la vidéo n’existait pas encore ! À peine rentrée, on me proposait un poste de déléguée au CICR, puis celui de stagiaire journaliste au magazine L’Hebdo que Jacques Pilet lançait.

Votre rapport au monde a-t-il changé après ces expériences intenses ?

Passer des bancs de l’université au reportage, caméra Super-8 à la main, en abordant des thèmes comme l’excision des filles en Mauritanie ou en interviewant le bourreau de Bangkok qui venait d’exécuter une jeune femme de mon âge… Ce sont des rencontres qui se greffent à jamais dans l’âme. Le besoin de m’exprimer en images avait tracé en moi un chemin indélébile.


Comment êtes-vous passée du cinéma et de la photographie au roman ?

Écrire un scénario passe par l’écriture, c’est indissociable, mais cela reste, par moments, un travail d’équipe. Écrire un roman est un acte solitaire. Mes romans — Douchinka (L’Aire), La Poussette (Buchet-Chastel), Rose Envy (Zoé), ou encore Le monsieur qui vendait des choses inutiles (Le Cadratin) — n’ont pas été écrits après les films, mais entre deux projets. À la différence des scénarios (Mein Name ist Bach, Luftbusiness…), mes textes littéraires sont fondés sur des éléments autobiographiques.


Vos œuvres explorent souvent la mémoire et l’intime. Est-ce un fil rouge assumé ?

Oui. Mon travail photographique explore la mémoire : en Allemagne avec Sans début ni fin ou Le Chemin du Mur de Berlin, en Russie avec Kaliningrad, la petite Russie d’Europe ou Les Hommes de sable de Choïna (Éd. Noir sur Blanc).L’intime et la poésie ne se planifient pas : ils se révèlent en plus, en-sus.


Comment est né Croc’Moustique ?

"Croque-Moustique" est le surnom que mon papa me donnait, parce que, petite, j’étais terrifiée par les moustiques. La mythologie familiale raconte qu’une nuit — j’avais quatre ans —, mes parents étant absents, je me serais enfuie avec mon édredon parce qu’un moustique hantait ma chambre.


Dans quel contexte avez-vous écrit ce texte ?

Une résidence littéraire inattendue m’a été offerte par les Éditions du Diable Vauvert, en Camargue. Était-ce la proximité des marais et des moustiques camarguais ? Voilà que l’épisode de ma fuite enfantine est venu zonzonner dans mon esprit…


Pourquoi avoir choisi d’en faire un poème ?

Le texte s’est présenté de lui-même sous cette forme, qui m’a étonnée et ravie. Je lui ai simplement emboîté le pas.


À qui s’adresse ce livre ?

Grâce aux illustrations de Lucie Fiore, je dirais aux enfants ; mais par la richesse des prédateurs évoqués et la rythmique du texte, également aux adultes.


Comment s’est faite votre rencontre avec Les Éditions du Bois Carré ?

Par hasard, comme la vie nous en offre parfois. De passage à Genève, mon amie Dominique Prêtre m’a entraînée à une conférence de Sylvie Bonvin, auteure de La Ferme ! Lexique imagé du monde paysan, publié… par Les Éditions du Bois Carré. À la fin, les publications de la maison étaient projetées à l’écran : parmi elles, des livres jeunesse liés à la nature. Croc’Moustique venait de trouver sa famille.


Qu’est-ce qui vous a donné envie de collaborer avec cette maison d’édition fribourgeoise ?

Fribourg, d’abord : un retour à la maison. La boucle se bouclait après La Course autour du Monde, quand on m’appelait « la petite étudiante de Fribourg ».Plus tard, j’ai travaillé une dizaine d’années pour le Festival d’Asie, d’Afrique et d’Amérique latine (aujourd’hui le FIFF). Et puis j’ai découvert, avec curiosité, l’existence des Éditions du Bois Carré — ce « bois carré », autre nom donné au fusain utilisé par les artistes. Un lieu où l’on se sent libre.


Quels souvenirs gardez-vous de votre première rencontre avec l’illustratrice Lucie Fiore ?

Vient toujours le moment où, pour qu’un livre illustré voie le jour, il faut passer la main. Un bel après-midi, à Fribourg, Lucie et moi avons franchi ensemble une porte tournante : elle avec son cartable, moi avec une légère appréhension. Mon moustique allait me quitter…Et puis Lucie a déplié son cartable magique.

Qu’est-ce qui vous a immédiatement séduite dans son style ?

Ses dessins sont des gourmandises : on sourit, on s’étonne, on rit devant le trait humoristique délicieusement grossi d’un bourdon ou d’une grenouille ; on s’extasie devant la finesse des plantes ; on s’émerveille de tant de savoir-faire…Et, à peine la page tournée, on ressent l’envie d’y revenir.


Que représente ce projet pour vous ?

Beaucoup. C’est un sentier encore jamais emprunté à travers un bois carré. Propos recueillis par Cathy Roggen-Crausaz, journaliste et directrice des Editions du Bois Carré

Les Editions du Bois Carré 

1741 Cottens 

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